Aux premières fois

Janvier touche à sa fin, l'an neuf a fini de babiller ses premiers mots. Quelques semaines déjà s'entassent derrière nous, pleines de sens et de déraison, d'élans communs et de décisions personnelles. Les premiers temps de 2015 ont tranché net la césure des jours nouveaux, habituellement imperceptible - traçant dans leur tumulte comme un sillage sur l'écume de mon esprit.

Je ne ferai pas de déclarations tapageuses et prétentieuses, tout a été dit sur cet ébranlement collectif. Je veux juste garder en moi la trace d'un écho très personnel. Moi qui, vierge de militantisme, suis descendue dans la rue afin de rejoindre une foule en communion improbable, j'ai comme tous les ans, cette année plus encore, soif de premières fois, envie de promesses. Avec sur l'épiderme comme une démangeaison de plus, sur mes rétines comme un reflet d'ailleurs.

Me sentir neuve dans l'inattendu d'une situation inédite, chanceuse dans le hasard d'un alignement d'astres, aventurière sur la bordure de mes limites - 2014 m'a souvent fait grâce de largesses précieuses.

Pour la première fois, j'ai bu du whisky on the rocks, les crampons enfoncés dans les glaces millénaires du Perito Moreno, et siroté l'amertume d'un maté passé de mains en mains sur les routes de Patagonie. J'ai goûté la différence entre le porto blanc et le porto rouge. J'ai mordu dans la chair ferme d'un kudu sacrifié au barbecue. J'ai senti la suavité caribéenne du rhum miel sur mes lèvres au terme d'une randonnée diluvienne, et l'onctuosité indécente d'une pâtisserie aux oeufs dans un jardin ombré de Guimaraes. Accomplissement suprême, je me suis même lancée dans l'élaboration de cannelés délicieusement caramélisés.

Pour la première fois, j'ai fait l'expérience de l'attente excitante et agaçante du safari. J'ai chassé du regard le guépard fragile, perceptible dans le lointain le temps d'un battement de paupière. J'ai admiré dans la poussière des phares aveugles les croupes nocturnes d'éléphants solennels. J'ai fondu devant l'adorabilité duveteuse de bébés manchots pas farouches. Je suis partie en quête de dauphins invisibles sur les ondes d'un Atlantique avare.

Pour la première fois, j'ai esquissé un pas de tango, trois pas de salsa. J'ai appris à ébaucher un coup de poing dans la résistance mate d'un sac de sable. J'ai erré seule dans Buenos Aires. J'ai arpenté Nice en deux-chevaux. J'ai survolé le plus vieux désert du monde. J'ai sillonné à dos de cheval l'étendue sans limite de la pampa, avec l'impression vertigineuse d'un sur-place. J'ai cheminé dans la brume grise de la forêt primaire, sur les flancs d'un volcan des Canaries. J'ai connu l'ivresse de dominer du regard la masse bruissante de deux mille personnes, petite souris debout au bord de la scène...

J'ai découvert Akram Khan, Of Montreal, Garcia Marquez, Sally Mann, le Groupe F ; partagé avec ma nièce les aventures de Tchoupi et Biboundé ; adoré Whiplash, Mommy, Arcade Fire au Zénith, Fame sur une chaise longue à la Villette.

Apprendre, découvrir, rencontrer, vibrer : voilà ce que je vous et me souhaite pour la nouvelle année, pendant qu'il est encore temps de faire des voeux :-)
Et de toutes ces découvertes, le meilleur est toujours ceux avec qui on les partage...



(NB - Je n'ai jamais posté mes photos de Namibie... c'est pour bientôt, promis.)

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